05 Déc Réaction de la FNAM à la tribune “à Orly, l’urgence d’étendre la couvre-feu aérien pour préserver la santé des riverains”, publiée dans Libération le 3 décembre 2024
Les enjeux autour du bruit aérien constituent un sujet complexe. L’introduction de restrictions opérationnelles sur un aéroport s’inscrit en conséquence dans un cadre règlementaire précis, piloté par une Autorité indépendante, et dont l’étude est conduite par un cabinet d’experts indépendant sélectionné par appel d’offres.
Pendant 18 mois, élus, associations de riverains, professionnels du secteur, acteurs économiques, ont été consultés, impliqués. Nous regrettons que la tribune publiée rejette en bloc les 144 pages du rapport d’étude et conteste in fine la légitimité de la démarche.
L’aéroport d’Orly est actuellement l’un des plus restrictifs en termes d’accès avec un couvre-feu et une limitation du nombre de mouvements. L’introduction d’une première mondiale – avec l’imposition d’une marge acoustique des avions opérant de nuit à Orly supérieure à terme à 17 epndb – à l’issue de ces 18 mois de travaux marque un nouvel engagement fort pour la réduction du bruit, autant qu’elle constitue un enjeu stratégique pour les acteurs et salariés de la plateforme, les riverains, les élus et l’ensemble de la communauté.
La FNAM appelle l’ensemble des acteurs à coopérer sur des solutions réalistes, raisonnables et rationnelles qui visent un équilibre entre les exigences sanitaires légitimes et la préservation de l’activité économique locale.
***
Précisions au sujet de certaines affirmations figurant dans la tribune :
1. Sur l’objectif des 6 dB.
La tribune mentionne la disparition de l’objectif de réduction de 6 dB des courbes de bruit pour la période nocturne (22h-6h). Cet objectif, initialement établi dans le cadre du plan de prévention du bruit dans l’environnement (PPBE) 2018-2023, était basé sur un indicateur appelé “indice global”. Il est cependant apparu que cet indicateur ne traduisait pas fidèlement l’évolution du bruit mesuré. En conséquence, sur la base des constats révélés par le cabinet d’études et après consultation des parties prenantes, l’Autorité indépendante a acté de ne pas retenir cet indicateur, mais plutôt de se concentrer sur la réduction du nombre d’habitants exposés au bruit de nuit > 50 dB(A).
2. Sur l’impact sanitaire du bruit aérien, les connaissances scientifiques évoluent
La tribune évoque des coûts sanitaires et sociaux importants en lien avec le bruit, s’appuyant sur d’anciens chiffres OMS (WHO Regional Office for Europe & JRC, 2011) qui ont servi de base aux études françaises de l’Ademe (2021) et de Bruitparif (2024) pour estimer le coût social du bruit et le nombre d’années de vie perdues en bonne santé. Ces chiffres doivent être entourés de précaution et notamment intégrer les évolutions de la recherche. lL’OMS (Disability Weights for Noise-Related Health States in the WHO European Region, 2024) vient ainsi de réduire de manière significative le poids du bruit parmi les risques pour la santé par rapport à ses précédentes estimations. La perte de santé/années de vie en bonne santé due à la gêne sévère liée au bruit baisse de 45%, la perte de santé/années de vie en bonne santé due aux troubles du sommeil liés au bruit est divisée par 7. Nous appelons l’ensemble des acteurs à intégrer ces nouvelles données, et – conformément aux recommandations OMS – à les utiliser dans la conduite des politiques publiques.
Par ailleurs, le seuil de 45db (40db la nuit) mentionné dans la tribune comme présentant un risque pour la santé devrait être contextualisé. Il ne s’appuie pas sur les normes françaises en vigueur et l’étude Débats cité dans la même tribune intègre un seuil à 52db comme risque pour la santé, équivalent aux bruits routiers et ferroviaires.
3. Une extension de 30 minutes du couvre-feu ne permettrait nullement une réduction du bruit de moitié
Contrairement à ce qui est rapporté dans la tribune, l’extension de 30 minutes de couvre-feu ne supprime pas 6 vols par jour mais à minima trois fois plus (source CGX, résumé non technique). Le scénario défendu dans cette tribune est même contreproductif puisqu’avec une perte annuelle de 156 millions d’euros par an pour les acteurs économiques et la disparition de 950 emplois directs, il grèverait la capacité des compagnies à renouveler leur flotte, et les contraindrait à placer leurs avions de nouvelle génération sur d’autres aéroports où ils pourraient être mieux utilisés. A noter enfin que la perte d’emploi et la perte d’attractivité économique de la région ont aussi des répercussions négatives sur la qualité de vie des riverains et sur leur santé. Il est essentiel d’en tenir également compte.